dimanche 6 mars 2011

Le paradoxe constitutionnel

Essayons de revisiter la constitution du Maroc et de mettre en exergue quelques articles particuliers.

Je tiens à éclaircir pour éviter les mauvaises langues que ceci est ma vision personnelle, je ne prétends en aucun cas être ni un juriste affirmé ni un éclairé.

Article premier: Le Maroc est une Monarchie constitutionnelle, démocratique et sociale.
Mettons l’accent sur l’adjectif démocratique. La démocratie est établie sur le principe du gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple selon la formule d’Abraham Lincoln.
Quand le peuple est souverain, cela suppose que le pouvoir n’est pas détenu par une seule personne -cas des monarchies absolues- ou par un clan -cas des oligarchies- mais par le peuple à travers ses représentants.


Pour être plus clair, une monarchie ne peut être démocratique que dans le cas où elle est basée sur la délégation du vrai pouvoir au peuple : les monarchies parlementaires en sont le meilleur exemple contemporain. Mais quand on possède une monarchie qui se base sur une constitution où la totalité des pouvoirs est entre les mains du régent et où on déclare dans le premier article que ce système est démocratique, alors excusez-moi d’y apercevoir un paradoxe fulgurant.

Article 3: Les partis politiques, les organisations syndicales, les Collectivités Locales et les Chambres professionnelles concourent à l'organisation et à la représentation des citoyens. Il ne peut y avoir de parti unique.


Sur le plan théorique, cet article est parfait. Mais les dernières élections législatives ont enregistré un taux de participation officiel de 37%, ce qui reflète que le peuple a perdu confiance dans ces instances et leurs dirigeants qui sont supposés le représenter. Et ce car ils ne détiennent aucun outil de changement efficace et qu’ils ne font qu’appliquer les directives du palais, mais aussi parce que les leaders sont devenus des corrompus ou que des corrompus sont devenus leaders.


Il ne peut y avoir de parti unique, tant mieux. Cependant, on peut œuvrer pour propulser un nouveau-né nommé le PAM au devant de la scène politique. Ceci prend lieu via un nomadisme incomparable d’opportunistes et d’une bénédiction tacite du souverain. Ainsi les autres partis deviendront des comparses politiques pour animer la scène de temps en temps et simuler du multipartisme.

Article 5: Tous les Marocains sont égaux devant la loi.
Une petite visite aux tribunaux vous fera sûrement dire le contraire. L’incident du petit fils chouchouté de Khalid Naciri parmi tant d’autres où les individus ‘puissants’ ne sont pas traduits en justice en est le meilleur exemple.

Auriez-vous imaginé que le ministre reste à son poste après cet incident dans un pays démocratique où les hommes d’états sont déchus pour une simple déclaration ? La vidéo relatant l’incident a fait le tour du web, mais aucune poursuite n’a eu lieu ni envers le ministre ni son fils. Abbas ElFassi ne doit-il pas être interrogé dans l’affaire Annajat ? Au lieu de cela il est devenu premier ministre du royaume. C’est ce qu’on appelle l’égalité devant la loi chez nous.

Article 12: Tous les citoyens peuvent accéder, dans les mêmes conditions, aux fonctions et emplois publics.
Je présume que c’est pour cette raison que les fonctions publiques foisonnent des fassis fihris entre autres et que les diplômés chômeurs ont gouté mille et une fois à la répression durant leurs sit-in pacifiques. Partant du principe que l’article est exemplaire, alors la seule justification qui reste et que les citoyens dont on parle ne sont pas ceux que je croise dans les rues quotidiennement, mais ceux qui ont un ministre ou un haut fonctionnaire dans l’arbre de famille pouvant leur garantir un poste grâce au clientélisme et au favoritisme. Les autres sont considérés comme de la populace et des citoyens de seconde zone.

Article 9: La Constitution garantit à tous les citoyens : … la liberté d'opinion, la liberté d'expression sous toutes ses formes et la liberté de réunion … Il ne peut être apporté de limitation à l'exercice de ces libertés que par la loi.


Liberté d’opinion, bien sûr. Mais à condition de ne pas toucher au roi, à la religion, à l’affaire du Sahara (dont je défends l’appartenance au Maroc) et sans dénigrer la vie de luxe que mène tout un clan avec les ressources du Maroc. Si vous n’adhérez pas à cela, on vous inculpe pour lèse-majesté ou diffamation avec des amendes exorbitantes. Mieux : grâce aux ficelles d’un lobby bien puissant, on vous privera de la publicité au sein de votre magazine et votre journal. Ce qui induira certainement à la faillite de votre projet et vous fera taire une fois pour toute parce que vous avez osé porter la tenue de l’opposant.

Allons rendre une visite à la partie traitant de la royauté avec ses fameux articles.

Article 23: La personne du Roi est inviolable et sacrée.
L’un des articles les plus courts mais aussi les plus discutés de notre constitution. Il se contredit tout d’abord avec la déclaration universelle des droits de l’Homme et avec la constitution marocaine elle-même puisque les deux déclarations imposent une égalité entre les citoyens et la sauvegarde de la dignité de chacun.


Or, comment cela peut-il être réalisé lorsqu’on sacralise une personne, lorsqu’on la place au dessus des autres humains, lorsque les citoyens perdent toute dignité avec les protocoles en s’inclinant et en baisant mains, épaules et buste du roi ? Ces pratiques datant du féodalisme ne font qu’instaurer des dogmes dont on n’a guère besoin dans un Maroc qui prétend à la modernité et au changement. Lorsque le peuple aime son roi, il n’a guère besoin de tomber dans l’indignité pour prouver son amour. Le respect envers la personne du roi peut prendre moult expressions et pas nécessairement celle-ci.

Articles 24-35 : Ces articles consacrent un pouvoir absolu chez le roi : il nomme le premier ministre, nomme de facto le gouvernement, peut dissoudre ce dernier et les deux chambres du parlement, promulgue les lois, accrédite les ambassadeurs, préside le Conseil Supérieur de la Magistrature, le Conseil Supérieur de l'Enseignement et le Conseil Supérieur de la Promotion Nationale et du Plan … et la liste est longue.


Toute cette concentration ne peut que nuire à la démocratie basée sur la séparation de pouvoirs. De facto, rien ne peut s’établir dans le pays sans la bénédiction du roi et n’imaginez guère un opposant qui puisse différer d’avis avec le monarque. Un exemple fulgurant est celui du premier ministre qui déclare que son programme est celui de sa majesté ! Admirez l’originalité !

Les articles qui s’enchaînent continuent la description du parlement et du gouvernement. Des règles dignes d’un pays démocratique, mais qui n’ont que peu d’effet à cause de la concentration du pouvoir chez une seule personne, ce qui rend le Maroc une coquille luisante mais une coquille vide avant tout.

Vint ensuite la partie consacrée au conseil constitutionnel, un conseil qui doit agir le plutôt possible pour mener de vraies réformes constitutionnelles et revisiter ce contrat social caduque afin qu’il soit conforme aux principes universels de la démocratie.

Allons directement aux articles concernant cette fois-ci la Cour des Comptes. Une Cour qui a honorablement fait son travail en mettant le doigt sur les dérapages financiers d’une centaine de préfets, wali et pachas. Malheureusement, la machine judiciaire n’a pas suivi le rythme et ses engrenages sont restés rouillés au lieu de poursuivre les traitres du pays et les traduire en justice. Ce qui encouragera encore d’autres voleurs à drainer notre patrie.

Bref, la constitution souffre indéniablement de plusieurs problèmes : elle comporte des articles vigoureusement appliqués qui nuisent à la démocratie et à l’équité. Tandis que ceux portant en eux l’essence même de la démocratie sont difficilement perçus dans la réalité. Ces deux entités se contredisent, se chevauchent et ne peuvent coexister dans une même constitution. Le contrat social qui relie les citoyens est la constitution, c’est pour cette raison qu’elle doit être revue en profondeur si l’on veut opérer de vraies réformes. Quand on établira un nouveau contrat, c’est à chacun de nous d’être responsable et d’assumer son civisme. Car changer la constitution doit impérativement s’accompagner d’un changement de comportement pour en garantir le succès.


La solution qui s’impose est d’établir une monarchie parlementaire où l’on procédera à une réelle séparation de pouvoirs, où le peuple pourra demander des comptes à ses représentants et aux possesseurs du pouvoir s’ils enfreignent la loi. Un Maroc où le roi sera écarté de tout soupçon et de toute critique et restera le symbole de l’unité de la nation, puisqu’il est apprécié par la majorité des marocains et le sera encore plus s’il procède aux réformes qui s’imposent.

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