lundi 1 octobre 2012

La jeunesse marocaine, une descente aux enfers




            Autant vous l’annoncer dès le début : la situation est critique, alarmante et désolante. Si la situation de l’éducation est bien sinistre,  qu’en sera-t-il de la culture ? Strate bien supérieure qui suppose une éducation en bonne et due forme. Surtout si l’on sait que statistiques à l’appui, le dernier rapport de l’UNESCO démontre que parmi 100 marocains, 13 seulement décrocheront le baccalauréat.

            Avant de décrocher le fameux sésame, l’élève marocain aura parcouru les différentes étapes d’un enseignement public bien délabré. Un périple au sein des établissements marocains où l’enseignant a perdu son statut et son aura de jadis et que les plus chanceux auront pu éviter en ayant recours à l’enseignement privé. Encore faut-il qu’il soit de qualité. Bachelier donc, l’étudiant marocain cherche refuge dans un établissement de l’enseignement supérieur.

            Durant cette quête du savoir, ou plutôt du diplôme, les acquis culturels restent à prouver. Le souci principal de l’étudiant reste de réussir ses années grâce à des validations successives de modules qui se soldent par décrocher un carton où votre nom est inscrit à côté de votre établissement. Un souci qui devient une obsession motivée non pas par l’ambition, mais par la peur. La peur de l’échec.

            Délaissons ce périple d’Ulysse et revenons à un autre rapport de l’UNESCO qui décèle un chiffre reflétant l’amère réalité : au monde arabe, l’individu lit 6 minutes … par an ! La moyenne en Europe est de 36 heures. Tout est dit. Si la jeunesse marocaine d’autrefois était avide de lecture, rythmait ses activités à coups de débats, de cafés littéraires, de pièces de théâtre ou de productions intellectuelles, celle d’aujourd’hui a trouvé refuge autre part. Les pionniers d’hier étaient Laroui, Eljabiri, Laâbi, Elmandjra … Leurs productions étaient discutées avec vaillance et ardeur. La jeunesse aspirait au changement, au savoir et à l’épanouissement.

            Ce n’est plus le cas aujourd’hui. C’est la génération d’émissions de télé-réalité plus sottes les unes que les autres. Les débats et face-à-face intellectuels puisant dans la diversité et la richesse d’opinions ont laissé la place à de jeunes starlettes emprisonnées dans un espace décoré avec la tendance la nec plus ultra. Des milliers de jeunes à travers le monde suivent les péripéties transmises en direct sur les satellites : Karima sait bien chanter, Ahmed drague Yasmina, Jomana a la voix cassée, Haitham est adorable et autres niaiseries. D’une émission à une autre, le concept se répète et les figures défilent chaque année. Des compétitions de chant, de dance, d’aventure, de gastronomie, de mode … et la liste est longue.

            D’autres choisissent le football. Si la pratique du sport est bien louable pour le corps et l’esprit, son addiction est une calamité. L’addiction non de sa pratique, mais de Messi, du Real et du Barça. Leurs rencontres sont devenues l’événement phare des week-ends pour la junte masculine. Les dribles de Messi et ses buts sont devenus légende, la coupe de cheveux de Cristiano s’est hissée quant à elle au rang de l’effigie d’une génération. Les transferts du Mercato, leurs chiffres et leurs détails sont inscrits dans la bible des jeunes aficionados du ballon. La vidéo d’un jeune enfant surnommé désormais « le Prasson » et ayant fait le tour de la toile vous en donnera un avant-goût.

            Quand les régents du Maroc décident de promouvoir la culture, leur approche a une épine dorsale bien originale : les festivals. À entendre festival à la marocaine, attendez-vous à un petit espace VIP réservé pour l’élite, le reste de l’espace étant réservé à la plèbe que nous sommes. L’approche avec laquelle ces festivals sont organisés consacre en premier lieu une atmosphère de folklore et de festivités. L’aspect culturel reste bien délaissé et marginalisé sauf exception. Ces festivals sont devenus des « attire-jeunes » remplissant sournoisement une fonction de catharsis salvatrice pour cette jeunesse déboussolée.

            Remettons le cap sur les facultés marocaines. Surchargées, délabrées et dépassées. Elles sont devenues les lices de factions idéologiques attardées et extrémistes : le chauvinisme, fanatisme religieux et sectarisme adopté par des jeunes qui se regroupent dans des factions alimentent des scènes où l’universitaire se prend pour un guérillero. Les armes blanches et les gourdins sont le mot d’ordre, maints étudiants sont sortis avec de graves séquelles physiques et psychiques à l’issue de ces « épopées ». Quant aux cités universitaires elles sont désormais confondues avec les lupanars : La destinée de Nana narrée par Zola est devenue le mode de vie de plusieurs jeunes filles. Si la nuit porte conseil pour certaines, elle apporte de l’argent facile pour d’autres.

            Celles qu’on dénomme grandes écoles d’ingénieurs et de commerce sont devenues des manufactures de simples techniciens dénués de tout sens de critique ou de civisme. Cet ascenseur social qui perd de son efficacité jour après jour annihile ceux qui y entrent. Quand on vous propose la lecture d’Ali Baba et les quarante voleurs dans un club littéraire d’une école d’ingénieurs et quand les semaines culturelles organisées par les étudiants se dissipent petit à petit au profit de soirées DJ, la sonnette d’alarme est à tirer. Les projets d’élite sont ainsi tués dans l’œuf.

            Les conséquences de cette calamiteuse situation sont illustrées par une récente étude du haut-commissariat des plans : 1% des jeunes sont membres d’un parti politique, 4% participent aux rassemblements de partis ou de syndicats, 4% participent à des manifestations ou grèves, 9% font du bénévolat. Ajoutez à cela que plus de la moitié de cette jeunesse partage le toit de ses parents selon la même source. Comment un jeune dans ces conditions peut-il accomplir une indépendance idéelle et construire ses propres convictions ?

            Le portrait est sombre et la lumière au bout du tunnel risque de ne pas apparaitre du jour au lendemain. Cette situation peut être extrapolée à plusieurs pays arabes et africains avec quelques contrastes. Cependant, la chance qu’on possède, c’est d’exister durant l’ère de l’information. La connaissance est accessible à bout de clics, faut-il encore prendre la peine de la chercher. Munissons-nous de l’autodidaxie, d’une lucidité d’esprit et d’une vaillance de jeunes. Bref, « savoir, c’est pouvoir » disait Francis Bacon.

11 commentaires:

  1. Excellent! Bravo et continue.

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  2. Bravo ! Merci pour ces vérités

    En tant qu'Algérien je pourrais dire que ta description est aussi malheureusement valable pour l'Algérie. Triste réalité.

    Les jeunes sont trop sionisés, et abrutit par des émission futile.
    Les universités du monde produisent des chercheurs , des historiens et des scientifiques. Les facs algériennes produisent elles des gourgandines et de la prosti...

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  3. Vous avez décrit une situation en délabrement. et je trouve que l'absence des dérigeants, pas uniquementr sur le plan éducatif et culturel, mais sur l'ensemble des plans : santé, transport, sécurité, ... !

    J'ai des enfants qui sont à l'école française, malgré que cela me prend la moitié de mon salaire, je suis satisfait Al Hamdou Lillah!

    C'est vrai, notre pays évolue peu mais regresse a vu d'oeil dans beaucoup de domaines.
    Ces jeunes qui sont livrés à eux même sont désorientés et se marginalisent.
    Bravo, vous avez décrit de manière simple et un langage direct une situation alarmante que vit notre jeunesse aujourd'hui.

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  4. Un billet excellent!!!! Ton style est parfait et me fait beaucoup penser à celui de notre chère Reda Allali ;) Franchement laisse tomber tes études d'ingénieur tu es fait pour être un grand journaliste!

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  5. Merci pour cet article, ca reflète l'image de la jeunesse marocaines. Je suis d'accord avec toi surtout tous les points abordés dans cette article.

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  6. je suis vraiment fière de trouver un jeune marocain qui possède ce magnifique style d'écrire et de décrire cette situation sombre de notre système éducatif et culturel .. la responsabilité est commune et la solution est le savoir .. je vous remercie Mr.Mehdi et bon courage ...

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  7. Excellent article, je te tire mon chapeau mr mahdi.
    En tant qu'élève ingénieur je suis content de voir mes craintes et mes regrets résumés dans un article.
    Il faut réagir si l'on veut sauver notre pays, parce qu'un pays qui est en faillite scolaire ne peut avancer dans aucun domaine.

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  8. Bravo ! Vous avez tout a fait raison ! C'est vrai C'est difficile de changer la mentalité et les habitudes de cette générations ! il faut absolument réagir si l'on veut sauver notre chére pays !

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  9. c'est tellement vrai... et pas qu'en Afrique, ce cas s'est répandu partout dans le monde. Mais pour beaucoup, cette voie que tu décris est celle de la facilité, peu auraient le courage de prendre leur honneur en main et se créer une vraie propre identité. Le monde (ou plutôt ses dirigeants) n'a besoin que d'une poignée de cerveaux. Du coup on forme une élite et on fait en sorte que le reste ne soit que troupeau.

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